Modern authors

Fr. Olivier Quenardel - abbot of Cîteaux

Cîteaux and the Cisterican communion

“Cîteaux is more than Cîteaux”. This slogan looks like an adage. What does it mean?
The existence of Cîteaux in its pure form would last only a few years. As soon as the “New Monastery” began to be established, that is to say as soon as the foundation of La Ferté (1113), Cîteaux became more than Cîteaux. Cîteaux remained the place of origin, and in this sense the foundation, but was not limited to the community living on this spot. Nine hundred years later, this seems to be even more accurate.
Yes, truly, Cîteaux is more than Cîteaux. The community experienced this all during the year of the 9th centenary in 1998.
Ten years later, the experience happily continues.

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Thomas Merton (1915-1968) was a writer, a Trappist religious and an American social reformer.
In 1941, he entered the American Trappist abbey of Gethsemani (Kentucky). From 1951 to 1955, he was master of students (young monks studying for the priesthood), then novice master. In 1965, he obtained from his abbot permission to live as a hermit on the property of the monastery..

 

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Father Godefroid  Belorgey (1880-1964) was a lieutenant in the 4th Cuirassier of Cambrain when, following an extraordinary grace about which he loved to talk, he was converted and entered the abbey of Scourmont, March 24 1910. He was for 12 years the novice master (1919-1932) and 12 years Prior before returning to his country of birth to become auxiliary abbot of Cîteaux.

 

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Dom Bernardo Olivera was born in Argentina in 1943. After his university studies, he entered the Trappist abbey of Azul. He completed his theological studies at the Catholic University of Argentina in Rome. He was novice master and abbot of his community before being elected Abbot General of the Order of the Cistercians of the Strict Observance (Trappists) in 1990.

 

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Fr. Christian de Chergé (1937-1996) was a French Trappist (OCSO). He was one of the seven monks of Tibhirine living in Algeria who were taken hostage and killed in 1996.

 

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Rafaël Arnáiz Barón (1911-1938) was a Cistercian-Trappist oblate brother of the abbey of San Isidro de Dueñas in Spain.

 

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Dom André Louf (1929-2010) retired as abbot of Mont-des-Cats and lived as a hermit in Provence. Cistercian monk, author of many books on spirituality, Dom André Louf dies Monday, July 12, 2010, at 81 years of age.

Cîteaux et la communion cistercienne

« Cîteaux est us que Cplîteaux. » La formule ressemble à un adage. Qu’est-ce à dire ? L’existence de Cîteaux à l’état pur dura seulement quelques années. Dès que le « Nouveau Monastère » se met à fonder, c’est-à-dire dès la fondation de La Ferté (1113), Cîteaux devient plus que Cîteaux. Cîteaux reste le lieu des origines, et en ce sens le « lieu-source », mais ne se réduit plus à la communauté présente sur le lieu. Neuf cents ans plus tard, cela s’avère encore plus vrai. Oui vraiment, Cîteaux est plus que Cîteaux. La communauté en a fait l’expérience tout au long de l’année du 9e centenaire en 1998.

Dix ans plus tard, l’expérience fort heureusement se poursuit.

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Quand on parle de « Cîteaux », il faut donc s’entendre sur ce dont on parle. Est-ce le phénomène « Cîteaux » compris au sens large d’un événement qui a marqué l’histoire du monachisme et se perpétue aujourd’hui sous toutes les latitudes ? Est-ce la savante revue Cîteaux qui fait l’objet de recherches scientifiques, historiques, culturelles et architecturales sur l’ensemble du monde cistercien ? Ou bien est-ce la communauté présente aujourd’hui sur le lieu ? C’est selon cette dernière acception que nous parlerons de Cîteaux ici, tout en orientant la réflexion sur la manière dont la communauté qui occupe le lieu fondateur se comprend elle-même au service de toute la « communion cistercienne. » En ce sens, tout membre de la communauté de Cîteaux voudrait pouvoir dire en actes et en vérité : « Cîteaux est au service de tout Cîteaux. » Autrement dit, c’est dans la mesure où la communauté de Cîteaux occupe sa juste place au sein de la grande Famille cistercienne qu’elle sert au mieux la communion cistercienne authentique. Cette « juste » place n’est pas acquise une fois pour toutes. Elle est toujours à recevoir et à réinventer, en fonction du vécu de la communauté et de celui de Cîteaux au sens large. Cette contribution tentera de la cerner dans le contexte d’aujourd’hui.

Cistercium Mater Nostra

Quand les moines reviennent à Cîteaux en 1898, il y a un peu plus d’un siècle que la vie monastique s’est éteinte sur le lieu fondateur. Du monastère de l’Ancien Régime, il ne reste que trois bâtiments, la bibliothèque du XVe siècle, le « définitoire » du 17e et la grande aile du 18e qui abrite aujourd’hui la vie de la communauté. Les autres bâtiments ont tous été détruits. A leur place, on trouve des constructions éparses, sans grand intérêt architectural, toutes réalisées au XIXe siècle au profit de l’œuvre de bienfaisance entreprise par le Père Joseph Rey pour l’éducation et la réinsertion sociale des jeunes en difficulté. Il faut mentionner en particulier une église dont les moines feront leur lieu de culte et qui a été entièrement restructurée à l’occasion du 9e centenaire de Cîteaux en 1998.
De ce fait, un premier constat s’impose : il n’y a pas de continuité directe entre la communauté des origines et celle d’aujourd’hui. Celle-ci provient d’une « re-fondation » de plusieurs monastères de l’Ordre des Cisterciens de la Stricte Observance (OCSO), plus couramment appelés « trappistes ». Comme ce fut le cas pour la première communauté de Cîteaux, il lui est reconnu une sorte de primauté d’honneur vis-à-vis de toutes les Maisons de l’Ordre et au-delà vis-à-vis de toute la Famille cistercienne, mais il ne faut pas oublier que c’est seulement parce qu’elle occupe le lieu des origines. Dans le même sens, il est bon de rappeler que l’expression Cistercium Mater Nostra, chère à tous les cisterciens, s’adresse d’abord à la souche maternelle du grand arbre dont Notre-Dame de Cîteaux est la figure limpide et rayonnante. C’est seulement en second lieu, et dans la mesure où l’actuelle communauté de Cîteaux se laisse travailler en profondeur par l’esprit de Marie, qu’elle peut s’entendre ainsi saluée.

La grâce du neuvième centenaire

Présente sur les lieux depuis un peu plus d’un siècle, la « nouvelle » communauté de Cîteaux compte aujourd’hui 35 moines. Elle vit selon la Règle de Saint Benoît et les constitutions OCSO. Son histoire récente a été marquée par la célébration du 9e centenaire de la fondation de Cîteaux (1998). Préparée de longue date, cette année jubilaire a connu son sommet le 21 mars 1998, le jour même où, 900 ans plus tôt, une vingtaine de moines en provenance de Molesme arrivaient ici, conduits par leur abbé, le futur saint Robert, tous habités par le désir de vivre davantage selon la pureté de la Règle.
Pour dire ce qui a été vécu ce jour-là, certains ont parlé de « Pentecôte ». Environ 800 moines et moniales appartenant aux divers Ordres et Congrégations de la Famille cistercienne se retrouvaient à Cîteaux… comme chez eux. Tout était parti de là, neuf siècles auparavant. Aujourd’hui, la source est devenue un grand fleuve, la vie cistercienne est implantée sur l’ensemble du globe. Ce qui n’avait pas été possible en 1898 le devenait un siècle plus tard : par-delà les embarras d’une longue histoire, tous ces gens se retrouvaient comme frères et sœurs pour rendre grâce à Dieu dont l’Esprit ne cesse de susciter la vie cistercienne et d’inspirer de nouvelles manières de vivre du charisme des fondateurs.
La fête avait été soigneusement organisée, grâce à une petite équipe de moines et moniales représentative de l’ensemble de nos Ordres et Congrégations. Il y eut en particulier à Cîteaux même, juste avant le 21 mars, une « synaxe » de trois jours regroupant une quarantaine de moines et moniales eux aussi représentatifs de l’ensemble du monde cistercien. Y prirent part les Abbés Généraux des deux grands ordres, l’Abbesse Présidente de la Congrégation de Saint Bernard en Espagne, ainsi que les Prieures Générales des Bernardines d’Esquermes et d’Oudenaarde. Pour la première fois, on pouvait aussi remarquer une présence de laïcs cisterciens, derniers-nés de la souche originelle neuf fois centenaire. Le fruit de cette synaxe apparut clairement dans le message, signé de tous les participants, qui fut lu et remis aux frères et sœurs de la Famille cistercienne à la fin de l’Eucharistie du 21 mars. Chacun put le comprendre dans sa propre langue.

La lettre de Jean-Paul II

Les travaux de la synaxe furent guidés par la Lettre de Jean-Paul II à la famille cistercienne à l’occasion de 9e centenaire de l’Abbaye de Cîteaux en date du 6 mars 1998. D’aucuns n’ont pas manqué d’y remarquer un usage fréquent et certainement intentionnel de l’expression « Famille cistercienne ». A l’inverse, il n’y est jamais question d’Ordre ou Congrégation. Manifestement, ce qui intéresse le Saint-Père dans ce document ne concerne pas d’abord l’organisation juridique propre à chacun de nos Ordres ou Congrégations, mais « la communion » à l’intérieur de « la grande famille cistercienne » :

En cette célébration de la fondation de Cîteaux, j’encourage vivement les communautés qui forment la grande Famille cistercienne à entrer ensemble dans le nouveau millénaire, en véritable communion, dans la confiance mutuelle et dans le respect des traditions léguées par l’histoire. Que cet anniversaire du ‘nouveau monastère’ qui pendant neuf siècles a eu un rayonnement si grand dans l’Église et dans le monde, soit pour tous le rappel d’une origine et d’une appartenance communes, ainsi que le symbole de l’unité toujours à recevoir et à construire.

En termes clairs, Jean-Paul II fait le lien entre l’événement historique de la fondation du ‘nouveau monastère’ son rayonnement pendant neuf siècles sur l’Église et dans le monde, et l’existence de la Famille cistercienne aujourd’hui. Plus précisément encore, il faut le lien entre le ‘nouveau monastère’ et les ‘communautés qui forment la grande Famille cistercienne’ aujourd’hui, en faisant l’impasse sur les liens particuliers qui réunissent ces communautés en divers Ordres et Congrégations. Ce serait une erreur de comprendre cette « impasse » comme un oubli ou un manque d’estime pour ces liens historiques et juridiques. C’en serait un autre d’en prendre prétexte pour ne pas s’efforcer d’en comprendre le sens. C’est ce qui occupa la majeure partie des travaux de la synaxe préparatoire au 21 mars 1998.

Un travail de communion

Le concept de « communion » est d’un usage si courant depuis les grands textes ecclésiologiques de Vatican II que nous risquons de ne plus l’entendre suffisamment dans toute sa densité chrétienne, catholique et religieuse. Dans une Lettre du 28 mai 1992, la Congrégation pour la Doctrine de la foi a jugé bon d’en rappeler le contenu théologique. Désormais c’est à la lumière des précisions apportées par ce texte qu’il faut comprendre le concept de « communion » dans l’ensemble des textes du Magistère postérieurs à Vatican II. Même ceux dont l’objet n’est pas d’ordre dogmatique en portent l’écho, ne serait-ce que de façon analogique, comme c’est le cas pour l’exhortation apostolique Vita consecrata du 25 mars 1996, et pour la lettre de Jean-Paul II aux membres de la Famille cistercienne. De cette manière seulement, on peut éviter de s’en tenir à une compréhension éthérée de la « véritable communion » à laquelle les communautés de la grande Famille cistercienne sont toutes invitées à entrer, « sur la base d’une confiance mutuelle et dans le respect des traditions léguées par l’histoire. » Il ne fait aucun doute que c’est bien ainsi qu’elle a été comprise par les membres de la synaxe, comme l’attestent ces affirmations de leur message :

La communion que nous recherchons n’est pas affaire d’union juridique ou d’uniformité d’observances. Elle découle de notre appréciation commune du don de la vocation cistercienne, d’un respect profond pour l’intégrité des différentes expressions du charisme cistercien et du désir de croître dans une affection et une amitié mutuelles. C’est une unité qui est toujours à recevoir dans l’action de grâce et toujours à construire dans l’humilité et la vérité.

Ainsi compris, et en s’inspirant de l’introduction de la Lettre de la Congrégation de la Doctrine de la foi sur certains aspects de l’Église comprise comme communion de 1992 précitée, on peut en arriver à dire que le concept de communion (Koinonia) convient particulièrement pour exprimer l’intimité de la Famille cistercienne au cœur de l’intimité du Mystère de l’Église. Plus encore, il peut être une clé pour un renouvellement des liens unissant toute la famille cistercienne à partir de sa souche initiale. C’est ce qu’exprime, comme un vibrant appel à toutes nos communautés, la suite du message de la synaxe.

Nous espérons que la grâce de cette synaxe trouvera un écho dans le cœur de tous nos frères et sœurs, y compris des Laïcs Associés. Nous appelons chacune de nos communautés à faire ce qui est possible à tous les niveaux pour assurer le développement de la communication, du dialogue et de la collaboration entre les divers membres de la Famille cistercienne. En particulier nous demandons à nos Supérieurs Généraux de former une commission dont le mandat soit de poursuivre le travail de cette synaxe et de promouvoir tout ce qui peut faire avancer notre communion.

Dix ans après, où en sommes-nous ?

Si la commission réclamée par les membres de la synaxe aux Supérieurs Généraux de nos Ordres et Congrégations n’a pas encore trouvé forme, il n’est pas moins vrai que des pas ont été faits pour avancer ensemble dans le sens d’une véritable communion. Signalons en particulier l’étude menée à ce sujet, à quelques mois d’intervalle, par l’Ordre Cistercien et celui de la Stricte Observance à l’occasion des Chapitres généraux qui ont suivi le 9e centenaire. Chacun d’eux a réalisé un document qui sert aujourd’hui de référence à leur propre compréhension de la communion dans la famille cistercienne.
a)    L’Ordre Cistercien de la Stricte Observance a opté pour une brève Déclaration sur la Communion cistercienne (Actes des Chapitres Généraux de Lourdes, 1999)

  • Que chacune de nos communautés locales ainsi que les conférences régionales continuent à favoriser et à développer les liens de charité et de collaboration avec toutes les communautés de la Famille cistercienne, en les invitant à des événements tels que célébrations, réunions, conférences, sessions et en répondant aux invitations que ces communautés nous adresseront.
  • Au sein de cette communion cistercienne dont chaque communauté locale a la responsabilité, nous reconnaissons la place particulière de la communauté de Cîteaux, notre mère à tous. Symbole historique de l’unité de la Famille cistercienne, la communauté de Cîteaux est encouragée à poursuivre son accueil fraternel et généreux envers tous les membres de la Famille cistercienne qui viennent découvrir le lieu de notre origine commune.

On le voit, la « Déclaration » ne cherche pas à développer l’aspect notionnel de la communion cistercienne. Elle la considère comme une réalité de fait à favoriser et à développer. Comme la Lettre de Jean-Paul II, elle met l’accent sur les relations entre communautés, et non entre les Ordres et Congrégations. Par ailleurs elle reconnaît la place particulière de la communauté de Cîteaux, appelée notre mère à tous du fait qu’elle vit sur le lieu d’origine de toute la Famille cistercienne. Cela lui vaut la fonction de symbole historique de l’unité de la Famille cistercienne, assortie d’un encouragement à poursuivre son accueil fraternel et généreux envers tous les membres de la Famille cistercienne.

b) L’Ordre Cistercien, quant à lui, s’est orienté vers un document plus développé et de forme plus solennelle. C’est un message du Chapitre général de l’Ordre Cistercien aux membres de l’Ordre sur la communion dans la Famille cistercienne, en date du 8 septembre 2000. Il se développe en 5 parties :

  • Le but de cette déclaration
  • Comment comprendre le terme de « Famille cistercienne »
  • Sur les formes de communion dans la Famille cistercienne
  • Pour comprendre de façon juste notre propre histoire
  • Quels pas concrets vers une plus grande communion dans la Famille cistercienne.

Le document dans son ensemble s’efforce de dégager le plus soigneusement possible la juste manière de comprendre les termes principaux qui sont en jeu : Famille cistercienne et communion. Il porte un grand souci de vérité historique et aussi la crainte de dérapages qui pourraient nuire à la communion cistercienne, comme ce fut le cas dans le passé. A cet égard, on ne peut qu’être sensible à la relecture qu’il propose de l’histoire cistercienne éclairée par la felix culpa de la Vigile Pascale.
Le ton général du document donne l’impression de vouloir mettre la Lettre de Jean-Paul II sur des rails historiques, juridiques et institutionnels, pour aider à faire les bons pas dans le sens de la communion désirée. Les relations à l’intérieur de la Famille cistercienne sont considérées sous l’angle des Ordres et des institutions plus que sous celui des communautés. On peut regretter qu’il ne soit pas fait mention de la communauté de Cîteaux et du rôle qu’elle pourrait jouer pour contribuer à l’unité de la grande Famille cistercienne, mais compte tenu de l’origine du document et de son genre littéraire, cela se comprend bien. Par ailleurs, on ne peut oublier que la reprise de Cîteaux par l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance en 1898 est longtemps restée comme une écharde dans les relations entre les deux grands Ordres. Au sein de la grande Famille cistercienne, la vocation de la communauté de Cîteaux ne peut donc être que d’ordre symbolique. Elle n’en est pas moins réelle.
Dans ce contexte les communautés de nos deux Ordres se sont grandement réjouies du Message aux Communautés Cisterciennes cosigné par nos Abbés Généraux en date du 26 janvier 2007, fête de nos saints Fondateurs. On y trouve ces paroles qui prennent en compte ce qui a été fait depuis le neuvième centenaire de Cîteaux et présagent bien de l’avenir des relations entre nos Ordres :

Depuis 1998 et jusqu’à ce jour, beaucoup a été fait pour recevoir et construire l’unité dans le respect des traditions historiques, prémisses indispensables au dialogue alliant concorde et diversité : nous avançons ainsi dans notre transformation en Christ, sans rien préférer à son amour(Règle de Saint Benoît 4, 21).

Si nous acceptons sincèrement comme base les fondements exprimés par nos Chapitres Généraux dans leurs messages de communion adressés aux communautés, et si nous observons les signes de notre temps qui nous poussent à développer cette communion au sein de la Famille cistercienne, nous sommes confiants : les mots que la liturgie de la Cène du Seigneur place au moment du « Mandatum » - Où sont amour et charité, Dieu est présent – pourront aussi être appliqués à nous autres cisterciens.

Cîteaux : symbole de communion

Au lendemain du neuvième centenaire, la communauté de Cîteaux a pris le temps de relire les événements et de les méditer dans son cœur. Alors que, du dehors, certains se demandaient si le moment n’était pas venu pour elle de retrouver la place qui fut la sienne jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il nous est apparu de plus en plus clairement que ce serait seulement en s’inspirant le plus possible de l’attitude de la Vierge Marie, Notre-Dame et Reine de Cîteaux, que notre communauté serait à même de trouver sa juste place à l’intérieur de la grande Famille cistercienne : ne rien faire qui ressemble à un coup de force, mais tout faire pour servir le vin des noces. C’est le prix de la « communion véritable » que nous recherchons. Comme Marie à Cana, Cîteaux n’a rien à revendiquer pour soi. Comme l’humble servante du Seigneur, nous somme simplement là pour dire aux frères et sœurs de la grande Famille cistercienne : Faites tout ce qu’il vous dira.

Entre tous les événements qui ont marqué l’année 1998, il en est un dont on a peu parlé mais dont la force symbolique est gravée dans nos mémoires. Quand, au matin du 18 mars, notre communauté et tous les membres de la synaxe représentative de la Famille cistercienne sont entrés en procession dans l’église de Cîteaux fraîchement rénovée pour y célébrer l’Eucharistie, c’était comme si, une nouvelle fois, le manteau de Notre-Dame s’ouvrait à nous. Neuf siècles d’histoire venaient s’abriter à l’ombre de Celle qui n’a jamais manqué de charité. Par son intercession, ne venions réclamer le vin nouveau dont nous avions soif pour explorer les nouvelles voies qui conduisent à la mise en œuvre des intentions de la charte de Charité, et donner une nouvelle vie à l’esprit de nos saints Fondateurs (cf. les paroles de Dom Sighard Kleiner, ancien Abbé général de l’Ordre Cistercien, citées à la fin du message de la synaxe).

Sur la terre de Cîteaux, d’autres signes attestent le « développement durable » de cette communion retrouvée et toujours à faire à l’intérieur de la famille cistercienne : le parcours de visite dont une étape présente l’ensemble des communautés vivantes de la Famille cistercienne à travers le monde ; le CERCCIS (Centre Européen pour le Rayonnement de la Culture Cistercienne) officiellement inauguré en avril 2007 ; l’hôtellerie remise à neuf dans la perspective d’être un lieu d’accueil non seulement pour «les hôtes qui ne manquent jamais au monastère», mais aussi pour des réunions importantes du monde cistercien, telles que Commissions centrales et Conférences régionales ocso, Chapitres de Congrégations ocist et chapitres de Bernardines, meetings de laïcs cisterciens. A ce titre, Cîteaux s’est réjoui d’accueillir, peu avant l’ouverture des grands travaux de restaurations de l’hôtellerie, les membres de la troisième rencontre internationale des laïcs cisterciens qui s’étaient réunis à Clairvaux. Il n’est pas anodin non plus de signaler que le premier groupe qui a étrenné la nouvelle hôtellerie en février 2007, à l’occasion d’une session germanophone et francophone sur la vie et la Règle de saint Benoît, était éminemment représentatif de la Famille cistercienne en ses plus jeunes générations. Tous les ordres y figuraient, tant au masculin qu’au féminin, à la fois dans le corps professoral et dans les auditeurs. À qui veut bien les voir, ce sont là des signes très parlants.
Un dernier fait ne peut être passé sous silence : la Visite Régulière effectuée par Dom Bernardo Olivera, Abbé Général ocso, accompagné pour la circonstance par Dom Thomas Denter, Abbé de Marienstatt ocist, en juin 2001. ce fut une « première » dans les relations entre nos deux Ordres.

Outre la « Carte de Visite » qu’ils ont ensemble cosignée, Dom Thomas nous a laissé un document où il présente sa vision de la place de Cîteaux dans la Famille cistercienne. Son appel est très fort. Nous lui portons aujourd’hui encore toute notre attention :

" Je suis persuadé que vous, communauté de Cîteaux, avez à répondre à un appel particulier. Vous êtes les héritiers et les gardiens de ce lieu, et vous l’emplissez d’une vie spirituelle authentique. Sans votre communauté vivante, Cîteaux ne serait qu’un monument historique quelconque, sans force spirituelle ni rayonnement. Votre identité doit être maintenue telle qu’elle est.
C’est précisément cette force, nourrie du patrimoine cistercien, qui rend le lieu si attirant et si interpellant. Vous allez certes vous demander si vous pouvez, et plus encore comment vous pourrez faire face à ce devoir, être la « Mater nostra » qui appelle ses fils et ses filles à l’unité, qui invite et encourage à consolider cette unité.
On pourrait envisager que se tiennent ici des Chapitres de Congrégations, des inter-noviciats, des sessions d’études ou d’autres choses encore selon les souhaits et les besoins des membres de la Famille cistercienne.
Parallèlement à ces objectifs, spécifiquement monastiques, Cîteaux concerne aussi l’idée européenne, car c’est déjà une forme d’“union européenne” qui a été réalisée par l’Europe cistercienne en ses différentes régions et provinces. A cet égard, le Chapitre Général de l’Ordre de Cîteaux peut être considéré comme le “premier Parlement européen.”
Pour mener à bien tous ces projets… il est de la plus grande importance que vous ne perdiez ni votre identité ni votre liberté de décision sur tout ce qui vous concerne et concerne Cîteaux, car vous êtes les premiers héritiers, au sens le plus spirituel du terme."

La force de ces paroles et le chemin qu’elles tracent pour l’avenir s’inscrivent dans le sillage des grands documents auxquels nous nous sommes référés précédemment. Notre communauté comprend de mieux en mieux qu’elle est au service de la communion dans la Famille cistercienne. Une communion qui se propose et jamais ne s’impose. C’est ce que nous apprenons à l’école du service du Seigneur, éduqués par Notre-Dame de Cîteaux.

Sainte Vierge Marie,
Mieux que nous-mêmes,
Tu sais de quel amour tu marqueras demain
L’écorce et les fibres de l’arbre de Cîteaux
Plus que neuf fois séculaire
Pour que la gloire de Dieu et la paix du monde mûrissent et surabondent
Dans la moisson du troisième millénaire.
Par cet amour inépuisable et débordant,
Le même qui réclama de toi et réclame de nous
Une confiance inébranlable au quotidien,
Notre-Dame et Reine de Cîteaux, sois remerciée !

Notre Dieu est le Dieu vivant

L'approche contemplative, loin d'être une approche simplement mentale et conceptuelle de Dieu, loin d'être le fruit d'une spéculation intellectuelle qui cherche à saisir Dieu comme une abstraction très subtile, est très concrète et existentielle. Lorsque la pensée abstraite et l'existence concrète entrent en conflit, on reconnaît le véritable contemplatif à ce qu'il se trouve du côté de l'existence concrète. Notre Dieu est le Dieu Vivant qui S'est manifesté à l'homme d'une manière infiniment concrète, non seulement par les paroles et les actes par lesquels Il est intervenu dans l'histoire humaine pour notre salut, mais surtout par Son Fils, que les Apôtres entendirent, virent, touchèrent de leurs mains et reconnurent comme la Parole de Vie. Le contemplatif chrétien ne se contente pas d'explorer les profondeurs de l'âme humaine et de développer ses facultés naturelles. Le cœur de la contemplation chrétienne est la révélation du Dieu invisible. Le contemplatif chrétien cherche à participer le plus pleinement et de la manière la plus vivante à l'expérience qui a été transmise par ceux qui ont accompagné le Christ sur terre, qui L'ont connu, L'ont vu ressuscité et ont reçu, de Lui, le don de l'Esprit.

La vie chrétienne contemplative rend avant tout témoignage à la vérité la plus profonde et la plus centrale de toute la révélation, celle de la Sainte Trinité.

A première vue, rien ne pourrait sembler plus éloigné de la conscience moderne et lui être plus étranger que la notion mystérieuse d’un seul Dieu en trois Personnes. La conscience moderne supporte mal le mystère et est inaccessible à la théologie technique. On s'attendrait à ce que le danger d'abstraction et de technologie incitât les contemplatifs modernes à se tourner plus spontanément vers Dieu dans Son unité et Sa simplicité plutôt que vers ce mystère d'un Dieu trine. Or, au contraire, le caractère particulier de la contemplation chrétienne ne peut être compris si l'on ne donne pas toute l'importance appropriée à la révélation du Père par le Fils, dans le Saint-Esprit.

Le retour au silence pp 204-205

Le Psautier, parole et silence

Les Psaumes sont plus qu’un langage. Ils contiennent en eux le silence des hautes montagnes et le silence des cieux. C’est seulement lorsque nous nous tenons au pied de cette montagne qu’il est difficile de distinguer le langage du Psautier des langues de la terre : car le Christ doit poursuivre son voyage parmi nous comme un pèlerin affublé de nos propres haillons. Le Psautier ne commence vraiment à parler et à chanter en nous qu’au moment où, guidés par Dieu et élevés par lui, nous sommes parvenus dans ces sommets de silence. Alors les Psaumes eux-mêmes deviennent la demeure de Dieu, où nous sommes à tout jamais protégés contre la rage de la cité des affaires, contre le tintamarre des opinions humaines, contre le sauvage carnaval que nous portons en nos cœurs et que les premiers saints appelaient Babylone.

La liturgie du ciel est une parfaite harmonie, dont le chant, comme la musique des sphères, se change en silence. Le Psautier prélude à cette liturgie. Un prélude est déjà un commencement. Nous qui chantons les Psaumes, nous nous tenons dans les vestibules du ciel. C’est là en effet le témoignage que nous avons choisi. Commencer sur terre la vie et la liturgie du ciel : telle est la vocation chrétienne.

Tous les saints sont des enthousiastes

Arrêtons-nous un instant à l’enseignement de saint Bernard qui était dévoré par le zèle de l’amour divin. “Dans le chemin de la vie, ne point avancer c’est reculer, puisque rien n’y demeure dans le même état”. Or, votre avancement à vous, mes frères, comme je vous l’ai dit bien souvent, consiste à être convaincus que nous n’avons pas encore atteint le but, “à marcher sans cesse en avant, à tendre constamment vers quelque chose de mieux”. Et ailleurs : “Il faut nécessairement monter ou descendre, quiconque essaie de s’arrêter tombera inévitablement”. “On ne peut que descendre, dès lors qu’on cesse de monter”.

On pourrait multiplier les textes analogues. Saint Bernard ne fait que reprendre une idée chère à saint Augustin : la perfection consiste dans un désir toujours plus grand de tendre vers Dieu, et si ce désir est vrai, il entraîne une plus grande délicatesse de conscience. Ce désir d’aller toujours de l’avant, de monter toujours, n’est pas autre chose que l’enthousiasme. Il est nécessaire pour ne pas se fatiguer ni ne lasser au contact des petites difficultés quotidiennes. C’est lui qui transforme la patience, qui la rend vivante. Il est toujours plus dur de subir, de résister en restant sur ses positions que d’attaquer. C’est en excitant à aller de l’avant, en nous faisant monter, que l’enthousiasme nous force à tenir.
Saint Bernard recommande au moine de rester novice toute sa vie. Certes, il sait bien que la vertu des novices est fragile, semblable aux fleurs de la vigne : “Voyez-vous ces novices ? ce que vous voyez paraître en eux, c’est la fleur, le temps des fruits n’est pas encore venu”. Mais sans fleurs, il n’y a pas de fruits. Aussi faut-il garder la ferveur des novices. Leur simplicité, leur générosité ne doivent pas se borner à de simples “espérances de fruits”. Il doit en être de même pour l’enthousiasme.
Il ne s’agit pas ici d’un enthousiasme “feu de paille”, d’un emballement passager. Il ne s’agit pas non plus d’un enthousiasme uniquement naturel, fruit d’un heureux tempérament, même soutenu par une volonté forte. Il s’agit d’un enthousiasme surnaturel, à la portée de tous, car il s’appuie sur Dieu.
Étymologiquement parlant, enthousiasme, remarquons-le, veut dire inspiration, souffle de Dieu. C’est une disposition qui s’appuie sur Dieu et participe dès lors à son immutabilité et à sa stabilité.

Sentences

Je suis l'exemple des auteurs spirituels du passé. Beaucoup d'entre eux avaient l'habitude de rédiger leurs œuvres sous forme de sentences, chacune étant porteuse d'un message central. La sentence est une parole brève et succincte qui offre un conseil et enseigne à vivre, ou bien elle met en lumière un point de doctrine, de morale ou de bon sens, et - dans le meilleur des cas - de sagesse. Mais pour que la sentence témoigne de la sagesse il faut que celui qui écrit et celui qui lit goûtent et perçoivent la saveur de ce qu'ils font et vivent.

1. L'Esprit inspire l'Écriture, c'est pourquoi il est présent et parle par elle. S'il inspire, il "expire" également.
2. L'Écriture "expire" la vie par l'inspiration de l'Esprit, c'est pourquoi elle est la respiration du moine chrétien.
3. Tout ce Livre Vivant converge dans le Christ. Les divines Écritures constituent un livre unique : le Christ. Il est la Parole abrégée, vive et efficace.
4. Toute l'Écriture se rapporte au mystère du Christ : préfiguré dans l'Ancien Testament et présent dans le Nouveau, intériorisé par chaque chrétien et accompli dans la gloire.
5. Parce que Dieu est infini, infinie aussi est sa Parole : l'Écriture contient des mystères infinis, son sens est insondable.
6. Le sens littéral du texte doit toujours être le point de départ : la lettre renseigne sur les faits et présente les personnes ; l'histoire est le fondement.
7. L'Esprit nous transporte au-delà de la lettre, notre vie théologale nous ouvre les portes des différents sens :
- allégorique, qui édifie la foi en faisant découvrir le Christ et son Église ;
- tropologique, qui nous apprend à œuvrer dans la vérité de l'amour ;
- anagogique, qui nous oriente et nous attire vers ce que nous espérons encore.
8. L'Évangile est la bouche du Christ toujours prête à nous offrir un baiser d'éternité.
9. L'Évangile est corps et sang du Christ ; le prier et en vivre signifie le manger et le boire.
10. L'Évangile est force de Dieu parce qu'il nous indique le chemin et nous donne la force pour le suivre.
11. Ici on trouve la vie véritable, et mon esprit ne possède et ne veut rien d'autre que la lecture priante de ces mystères !
12. L'Église est l'unique caisse de résonance de la Parole de Dieu. En tant que Corps du Christ elle est elle-même Parole. L'Écriture nous donne vie dans l'Esprit quand elle est accueillie dans le contexte de la tradition et du magistère.
13. Notre Lectio Divina doit prolonger la Parole au-delà de la Liturgie afin de nous préparer à une célébration fructueuse de celle-ci.
14. Le cénobite comprend le sens profond de la Parole seulement quand il vit en communion et dans la concorde avec ses frères.
15. La conversatio monastique doit créer un climat biblique qui permette à tous et à chacun d'être protagonistes dans le dialogue du salut.
16. L'humus de l'humilité est la bonne terre où la Parole produit des fruits abondants.
17. Seul celui qui se recueille accueille, seul celui qui demeure dans le silence entend les battements du cœur de Dieu.
18. Nous parlons à Dieu quand nous prions avec amour, nous écoutons Dieu quand nous lisons sa Parole avec foi.
19. Quand notre persévérance et notre assiduité à la Lectio nous crucifient dans le Livre, nous comprenons la folie du Père très bon.
20. Pour connaître le Christ crucifié il faut être crucifié pour le monde.
21. "Me voici, que Dieu écrive en moi ce qu'il veut", a dit Marie. Quand notre cœur est une lettre écrite par Dieu, toutes les lettres de Dieu résonnent dans notre cœur.
22. Celui qui vit la Bonne Nouvelle offre au monde des raisons pour vivre et mourir. 

Lettre de l’Abbé Général aux frères et sœurs de l’Ordre, 26 janvier 1993

Quand un A-Dieu s’envisage

S’il m’arrivait un jour, et ça pourrait être aujourd’hui, d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.
Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal.
Qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ?
Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes laissées dans l’indifférence de l’anonymat.
Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre. Elle n’en a pas moins non plus. En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint.
Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer.
Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C’est trop cher payé ce qu’on appellera, peut-être, la “grâce du martyre” que la devoir à un Algérien, quel qu’il soit, surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’Islam.
Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l’Islam qu’encourage un certain idéalisme.
Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L’Algérie et l’Islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme. Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Evangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Eglise, précisément en Algérie, et déjà, dans le respect des croyants musulmans. Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf ou d’idéaliste : “qu’il dise maintenant ce qu’il en pense !”

Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec lui ses enfants de l’Islam, tels qu’ils les voient, tout illuminés de la gloire du Christ, fruit de sa Passion, investis par le Don de l’Esprit, dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.
Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout.
Dans ce MERCI où tout est dit désormais de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, ô amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis !
Et toi aussi, l’ami de ma dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais.
Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet “A-DIEU” en-visagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. AMEN !

TESTAMENT DU PERE CHRISTIAN DE CHERGÉ

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