La vie commune
Qu'il nous conduise ensemble à la vie éternelle !
Nous menons la vie commune. C'est-à-dire à la fois une vie en commun, et une vie somme toute assez banale. Il y a un terme technique pour l’exprimer : c’est la vie cénobitique. Un petit regard sur les représentations artistiques du paradis permet de mieux comprendre… les bienheureux sont toujours ensemble, et se livrent à des activités banales : au paradis, il n’y a ni solitaire ni héros.
Il en est de même au monastère. L’ordinaire de nos jours, dans sa succession de repas, de repos, de travail, de prière, est le lieu de l’accueil de la vie surnaturelle. La règle ne nous demande pas d’accomplir des œuvres prodigieuses, ni de faire des exploits ascétiques. Elle exige par contre une humble fidélité dans les petites choses.
Nous assumons l’ordinaire pour le conduire à son assomption. Tous nos lieux de vie sont des lieux communs, et nul n’y a d’espace propre. Nous prions ensemble à l’oratoire, nous mangeons ensemble au réfectoire, nous lisons ensemble au scriptorium… La présence des frères est à la fois encouragement, réconfort et exhortation. Elle est aussi le lieu du combat.
Comment seras-tu doux s’il n’y a personne pour s’opposer à tes volontés...
Dans cette vie fraternelle intense, le respect du silence est gage de recueillement et de respect. En lui, chacun demeure en Dieu. En lui, l’accueil de la parole d’un frère ou l’accueil de la Parole de Dieu deviennent possibles : le silence est le choix d’une qualité de relation.
Il faut aussi reconnaître que la parole est souvent utilisée pour "maudire les hommes faits à l’image de Dieu" (Jc 3, 9), et donc qu’il vaut mieux se taire.
Mais apprendre à garder sa langue est un long chemin : "Bêtes sauvages et oiseaux, reptiles et animaux marins de tout genre sont domptés et ont été domptés par l’homme. La langue, au contraire, personne ne peut la dompter : c’est un fléau sans repos !" (Jc 3, 7-8).
Pour nous aider dans le domptage de cet animal sauvage qu’est la langue, nous avons des lieux et des temps pour parler, et d’autres lieux et d’autres temps pour nous taire.
Ce choix de vie cénobitique s’exprime aussi dans un mode de gouvernement : toutes les affaires importantes sont discutées en communauté. Pour les choses de moindre importance, nous discutons dans des conseils spécifiques. Chacun est invité à donner son avis en toute humilité et soumission (Règle de Saint Benoît). Dans la vie quotidienne, ce n’est pas seulement le père abbé, mais chaque frère peut mettre en pratique le conseil des anciens, selon le mot de l’Écriture : fais tout avec conseil, et, la chose faite, tu n’auras pas à te repentir.
Nous faisons le choix de vivre ensemble jusqu’à la mort. Les anciens donnent le témoignage des longues fidélités : ils ont duré dans les choses dures ! Ils ont besoin de soutien et d’affection dans la grande épreuve de la vieillesse. Les jeunes apportent leur dynamisme. Ils ont besoin d’apprendre une "allure monastique". Les frères d’âge intermédiaire portent le poids du jour, ils ont besoin de la force de la jeunesse et de l’espérance qu’offre le grand âge. C’est ainsi que forces et faiblesses s’agencent harmonieusement.